Empire straight building

Une tour de béton s'élève au centre de la ville
A l'image de mon cœur, fermée, hermétique
Comme d'autres, coulée dans un moule dès la naissance
Puis déformée par la pluie et le silence
Les milliers de gens qui passent cent fois devant
Aveugles, coincés dans leur routine, font semblant

Tu sais, j'ai osé le faire ce rêve une fois
Où cette tour s'en va, et à la place on voit
La forêt, l'horizon, la vie et la mer
Toutes ces merveilles, richesses qu'on voyait hier
Le goudron rugueux se reflète dans le ciel
Tout est noir, tout est gris, ça manque de soleil

Sur mon visage pelé, aigri, rien d'écrit
Sur la tour bâtie, des tas de graffitis
Elle est souillée de « nique ta mère » ou « sale pute »
La poésie de la rue, clashs et insultes
Tout, je ferais tout pour sortir de ce monde
Tout, tout, pour sortir de la tour de béton

Les tours sont les mêmes de ville en ville
Mais cette tour-là est comme moi je crois
Les gens passent devant de mille en mille
Et elle souffre, seule, qu'on ne la voie pas

Si j'arrive à m'enfuir, elle restera sage
Sage comme le corbeau laissé sans son fromage
Au centre de la rue, surplombant le quartier
L'observant de haut, comme un oiseau perché
Grisée par le vent, la pluie, ses larmes coulent
Brisée par la solitude parmi la foule

Ses sentiments, on ne les voit pas
Oui, cette tour et moi, nous sommes pareilles
Que faire d'une fille au cœur en gravats
Et d'une tour muette qui cache les abeilles

J'ai osé le faire ce rêve, tu sais, une fois
Où un jour, toi et moi, on se barre de là
J'te raconterai sur une scène, sur les planches
Je traduirai nos maux pour que le monde change
Dans mon micro je conterai notre abandon
Tous les graffitis, la foule, et le goudron

J'le f'rai avec de la joie, un truc qui bouge
Je ferai tout pour nous faire sortir du rouge
Tu verras, on l'aura cette heure de succès
La gloire de nos vies ignorées, piétinées
Après le passage de ces clowns déguisés
Qui se poussent tous pour arriver au sommet

On vit là, sans bouger, à leurs pieds
Ils ont troqué les arbres contre toi
Moi, désormais, je vis à ton pied
Nous, nous sommes deux, ne t'inquiète pas

Les femmes ici bas sont tellement grandes
Perchées sur leurs hauts talons aiguilles
Elles s’amusent, fricotent, puis sortent des chambres
Exténuées et décoiffées, mais riches

Et moi, au sol, j’passe inaperçu
Là, face à tous leurs talons si fins
Elles déambulent, défilent dans la rue
Tous dehors, mais moi seul crève de faim

Et moi, ici bas, je suis à bout
Écrasée sous tous ces hauts talons
Qui meurtrissent par à coups, coup par coup
Ma douce et froide maison de goudron

Ne t'éloigne pas, je ne te vois plus --- c'est foutu
Tous les rêves qu'on avait, ils se sont assis dessus

Ils les ont démolis, tout comme toi ma tour
Mais où aller pour écouler mes vieux jours
Place à la nouveauté, ils nous ont chassées
M'ont larguée dans le froid et t'ont effacée
J'ai perdu mon toit, j'ai perdu mon amie
J'ai plus de hall d'entrée, adieu mon amie

Maintenant j'erre, je m'aère la tête
Mais ce mode de vie ne réchauffe pas
Gamine, craque ta dernière allumette
Pendant qu'je m'endors sur le trottoir