Objets et compagnies

Le Doudou vagabond
Très en retard en ce matin froid de décembre, je claquai la porte en me dépêchant de rejoindre la rue Voltaire, qui me permet d’accéder à mon arrêt de bus. D’un pas rapide, je dépassai personnes âgées et jeunes mamans afin d’arriver le plus vite possible. J’étais très stressé, étant quelqu’un de sérieux et ponctuel d’habitude. En arrivant au croisement de la rue, j’aperçus un morceau de tissu dépasser de la neige fraîchement tombée. Je m’accroupis pour le ramasser et découvris un doudou d’enfant, sale et tout mangé. Il était humide et faisait peine à voir. Il gisait là, sur le macadam, avant que je ne le ramasse. Je me demandai qui pouvait l’avoir laissé tomber ; un petit enfant dans un élan de colère ou bien un parent en rangeant ses affaires ? Ce doudou devait avoir eu une vie tourmentée, ayant sûrement été spectateur de larmes et de drames, victime de morsures et de blessures. Mais en le regardant quelques secondes, je sus avec certitude qu’il avait été beaucoup aimé, et qu’il devait être très regretté. Sans plus me préoccuper de mon retard, j’entrai chez le boulanger dont la boutique jouxtait le trottoir, afin de lui confier ce doudou perdu, qui me rappelait de nostalgiques souvenirs enfantins, pour qu’il l’expose dans sa vitrine, bien visible de tous les passants. Ainsi, cet enfant retrouverait son meilleur ami.

Photo souvenir
Je me souviens de cette photo, celle où une fillette sourit de toutes ses dents à l’appareil, en essayant de l’attraper. Elle est assise dans une chaise haute, son repas étalé autour de l’assiette.
Cet enfant, c’est moi.
Tout le monde a connu cet âge insouciant, celui où le monde autour de nous ne nous importe pas, où notre principale préoccupation est d’aller jouer au parc après la sieste.
Cette photo a dû être prise par ma grand-mère ; je n’en suis pas certaine. Je dois avoir environ cinq ans, et je vois dans mes yeux tout l’amour que je porte à cette vieille dame qui m’a tant apporté. Cette vieille dame qui a essuyé mes larmes lors de mes gros chagrins, qui m’a aidée à faire mes devoirs tous les mercredis après-midis jusqu’à sa mort, lors de mon année de CM1, cette vieille dame toujours là pour aider ses amis et sa famille. Malgré son départ impromptu, mes souvenirs d’elle sont très précis.
Comme cette fois où en rentrant de l’école, j’ai perdu ma première dent. J’étais paniquée à l’idée que moi aussi, je devrais avoir une rangée de dents que l’on pourrait retirer de ma bouche pour la plongée dans un verre remplis d’eau. J’étais tellement terrifiée, que j’ai mis dix bonnes minutes avant de prendre conscience des paroles de ma grand-mère : je n’aurais pas de dentier, une nouvelle dent toute neuve allait repousser très bientôt ! Mais je devrait en prendre bien soin et brosser toutes mes jolies et nouvelles dents deux fois par jour tous les jours.