Matthias
A l’embouchure du Styx, les Enfers.
Il est un petit garçon, et il sait qu’il n’aurait pas dû jouer au ballon dans la rue bondée par les voitures abritant les travailleurs épuisés.
Il sait qu’après être descendu du bus il n’aurait pas dû sortir son ballon tout de suite.
Il a appelé son ballon Wilson après avoir regardé le film avec le monsieur tout seul. Wilson est parti très vite, et même si d’habitude il arrive à le contrôler, là il y avait beaucoup de vent. Et il y avait beaucoup de vent quand la voiture l’a fauché.
Son papa et sa maman lui ont souvent raconté les histoires de Charon, le passeur des morts.
Il sait qu’il doit être très sage et donner la pièce, qu’il avait réservée aux bonbons moelleux de la boulangerie du quartier, au monsieur en robe noire.
Il a attendu longtemps, plus que tout les autres sur le quai d’embarquement.
Puis, son tour est venu. Il a donné sa pièce au grand monsieur et il est monté dans le bateau.
C’était mouvementé et terrifiant. Pendant le trajet, des mains essayaient d’attraper les bords de la barque en bois. Mais, à chaque fois, le bateau était trop rapide et les mains se détachaient.
Le petit garçon avait peur, alors il a fermé très fort les yeux. Quand ses paupières se sont soulevées, c’était pour regarder un grand chien à trois têtes. Cerbère, le chien des enfers.
Il était arrivé. Après un bref tri, il fut envoyé parmi les morts comme lui, les accidentés de la route.
En réalité, Matthias avait neuf ans lorsqu’un jeune qui avait emprunté la voiture de son père l’a fauché.
Matthias n’est pas mort sur le coup. Wilson l’avait vraisemblablement protégé et personne n’a pu expliquer pourquoi il n’était pas mort face à la violence de l’accident.
Pendant deux ans, Matthias est resté dans le coma avec la peau déchirée et les poumons incapables de fonctionner seuls. Alors, après deux ans, sans un quelconque signe d’amélioration, ses parents ont décidé de le débrancher pour lui éviter des souffrances inutiles.
Matthias était fils unique.
Ses parents ne se sont jamais remis de cette perte et vivent désormais constamment dans la douleur de l'absence.
Océane!
Faites attention sur les routes. Ceci est une oeuvre fictive.